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Photo du rédacteurEric ALAUZEN

2- La saga de la presse : le Moyen Age et ses fake-news

Deuxième volet de notre saga de la presse où cette fois, après avoir étudié l’apparition de la presse écrite sous la forme des Acta Diurna (lire notre premier article), nous allons nous enfoncer dans le Moyen Age qui s’étend du Vème au XVème siècle pour suivre l’évolution de cette communication écrite qui s’ouvre, petit à petit, à toutes les classes sociales et qui commence à tenir un véritable rôle d’information… ou de désinformation (le Moyen Age et ses fake-news)

 

La période entre l’Antiquité et le Moyen-Age

 

En fait, jusqu’au Moyen Age, les informations, de tous ordres, circulaient principalement par l’oralité, en général dans les marchés et sur les places publiques. Peu de gens savent lire. Les informations écrites se retrouvaient sur rouleau ou lettre. Un mode de diffusion qui, malheureusement, a laissé un minimum d’archives, souvent négligées par les historiens, et qui était difficile à cause des voies de communication peu circulables et de la lenteur des formes de transmission.

 

Si nous revenons sur le mot information, nous nous rendons compte que son sens actuel (communication des connaissances) n’apparaît qu’au XIVème siècle sous la forme de l’ancien français, informacion. Le XIVème siècle est justement le moment où les échanges de nouvelles sont accélérés du fait des nombreuses guerres et de la croissance des états.

 

Information, du latin informare signifiant donner de la forme ou se former une idée de quelque chose

Le vieux mot français informatio veut dire concept ou idée

Fin du XIVème siècle, informacion commence à signifier acte d’informer, communication de nouvelles

Le mot information est donc lié à formation : donner forme à l’esprit/communiquer des nouvelles

 

L’information pouvait être maltraitée au Moyen-Age

 

Au Moyen Age, des feuilles manuscrites collées sur les murs ou diffusées à la main, appelées avis, servaient à transmettre de manière occasionnelle les nouvelles. Chaque feuille relatait un seul évènement qui pouvait être une victoire du roi, une inondation ou d’autres nouvelles importantes que le pouvoir voulait diffuser.

 

Avant d’être relatés sur les avis, ces messages d’information étaient relayés par des messagers dont la fonction était sans aucun doute à haut risque. Les premiers messagers étaient les moines qui portaient les rouleaux des morts, (parchemins transmis de monastère en monastère lorsqu’un clerc de la communauté émettrice décédait), mais en profitaient également pour transmettre les nouvelles.

 

Jusqu’au XIVème siècle, les seigneurs qui voulaient faire transmettre plus rapidement leurs nouvelles utilisaient des messagers à cheval, mais rappelons quand même qu’un cheval ne fait pas plus de 30 km par jour s’il est ménagé par son cavalier.

 

Si on croit que les fake-news sont récentes, on se trompe vraiment. En effet, au Moyen-Age, il était monnaie courante d’informer, mais aussi de désinformer pour manipuler et tromper. Les pauvres messagers pouvaient facilement être tués pour empêcher qu’ils ne portent à destination leurs nouvelles et on pouvait même le remplacer par un imposteur qui délivrait un faux message, parfois littéralement opposé au véritable.

 

Ces messagers, envoyés par les seigneurs et aussi par le roi, apportaient des informations ou ordonnances royales (souvent mandements) qui étaient, une fois arrivées à destination, criées sur les places publiques ou les marchés, précédées par la célèbre phrase Oyez, oyez


 

e Moyen Age et ses fake-news

Tout comme dans l’antiquité avec le praeco, c’était le crieur (habillé d’un uniforme spécifique) qui annonçait ces nouvelles au peuple dont la grande majorité ne savait pas lire. S’il annonçait de nouveaux impôts, par exemple, il pouvait être pris à parti par la foule qui le molestait Considéré comme un intermédiaire entre le pouvoir et le peuple, le crieur pouvait également travailler en privé pour un seigneur ou une ville. Et là, d’autres querelles surgissaient, car chaque commanditaire exigeait que son crieur reçoive la meilleure place pour que tout le monde puisse entendre et comprendre sa vraie ou sa fausse information.

 

Un premier réseau de communication créé en France par les puissants marchands italiens

 

Une note particulière sur les marchands italiens (ils savaient lire), très puissants : voulant toujours être informés avant leur concurrents, ils créèrent ensemble les premiers services postaux privés où travaillaient des messagers à cheval ou en bateau. Ils tissèrent ainsi un véritable réseau de communication entre villes et grâce à lui, prévoyaient les besoins, anticipaient et s’enrichissaient encore plus.

 

Le pape siégeant alors à Avignon, utilisait ces services postaux qu’il faisait également doubler par son propre réseau, composé de religieux et pèlerins qui sillonnaient les pays et qui rapportaient un grand nombre de nouvelles qui pouvaient ensuite, si nécessaire, être criées sur les places publiques.

 

Les fake-news très présentes au Moyen Age

 

Pour en revenir aux fake-news, voire aux théories du complot, on peut citer l’exemple de Jean-sans-peur, duc de Bourgogne (1371-1419) qui n’hésita pas, après avoir tué son cousin, le duc Louis 1er d’Orléans (1372-1407), à faire circuler les pires rumeurs et les pires calomnies sur ce dernier, pour ainsi justifier son crime. Le duc d’Orléans devenait alors un sorcier, un comploteur et un empoisonneur, mais aussi un ennemi du bien public pour rallier le peuple à sa cause.


e Moyen Age et ses fake-news

 

L’oralité n’est pas un moyen de communication fiable et transmettre des informations par oral, peut amener à toutes sortes de dérives ; elle constitua un atout sans mesure pour le pouvoir qui l’utilisa à bon et mauvais escient. En temps de défaite, les dirigeants ne se gênaient pas pour répandre des nouvelles optimistes, en invoquant les fuites de ennemis. Ces nouvelles n’étaient plus seulement criées mais aussi déclamées ou chantées dans des poèmes ou chansons, ou encore racontées dans des chroniques.

 

Les chroniqueurs existaient déjà au Moyen-Age

 

Pendant la guerre de cent ans (1337-1453) qui opposa les ennemis héréditaires, la France et l’Angleterre, la désinformation battit son plein, et ceci dans les deux camps opposés. Le peuple, considéré comme une masse dangereuse, devait toujours être rassuré et son moral maintenu au beau fixe. Il devait croire que le roi entreprenait un combat juste, pour leur bien. On détournait leur attention par la religion dont le pouvoir était aussi puissant que celui de la royauté et par des récits, souvent faux, de batailles idéalement gagnées. Même si le roi français devint prisonnier des Anglais, la désinformation s’activa : l’adversaire anglais est sauvage et non loyal, le roi anglais ne ressemble en rien au roi français, courageux et victime de la noblesse…

 

Face à cette désinformation, Jean Froissart (1337-1410) dans ses Chroniques qui traitent de la moitié de la période que couvre la guerre de cent ans, s’attacha à garder toute son impartialité en narrant avec force détails tous les évènements de la guerre, en insistant quand même sur les prouesses des rois et de leurs preux chevaliers. Tel un bon journaliste, il affirma ne relater que ce qu’il avait vu lui-même ou s’appuyer sur des faits réels racontés par des témoins fiables, tels que l’autre chroniqueur, Jean Le Bel (1290 -1370).

 

Une information qui se rapproche de la propagande

 

L’information, se rapprochant de la propagande, prend toutes les formes, y compris celle du spectacle lorsqu’un chancelier recruta des jongleurs pour chanter la vaillance et la loyauté de son roi, Richard Cœur de Lion (1157-1199), dans les villes. Les dirigeants italiens, eux, n’hésitaient pas à commanditer des diseurs de louanges qui les plaçaient sur des piédestaux. Si la glorification d’un homme ou d’un groupe était monnaie courante, le discrédit ou la calomnie de l’ennemi était tout autant utilisée.

 

Le peuple, malheureusement, sans aucune éducation, illettré et naïf, ne pouvait que subir et croire toutes ces informations, vraies ou fausses. De là, la force politique de l’information au Moyen-Age, quand elle était rayonnée par la royauté ou les seigneurs ou le clergé.

 

Enfin, ce pouvoir politique était non seulement transmis par les mots, mais aussi par l’image (iconographie) lorsque les rois et les seigneurs étaient toujours représentés (effigies, portraits, monnaies…) de manière à exprimer leur grandeur et leur splendeur à travers des images d’apparat qui exhibaient leur pouvoir qui se rapprochait alors d’un pouvoir divin. Des affiches peintes pouvaient également annoncer des évènements, à la manière de nos visuels affichages actuels.

 

Quelle langue utilisait-on au Moyen-Age ?

 

Même si le latin ait été la langue dominante et officielle, notamment dans l’écrit administratif et religieux, les dialectes régionaux (appelés langues d’oil au nord et langues d’oc au sud) jouaient un rôle prépondérant dans les échanges quotidiens parlés. Pourtant, le français (d’abord ancien français apparu au IXème siècle, issu du latin vulgaire et moyen français issu de l’évolution sur cinq siècles de l’ancien français) prit bientôt sa place, surtout avec l’influence croissante de la cour royale pour qui l’unilinguisme constituait une importance politique.

 

La croissance du parler et de l’écrit français (qui remplaça le latin en qualité de langue administrative et littéraire) ne fit pas disparaître la diversité linguistique régionale qui se retrouve de nos jours dans les accents et les dialectes régionaux.

 

Le français, parlé au Moyen Age, ne ressemblait pas du tout à notre français actuel. Au fil des siècles, la langue française s’est éloignée de ses origines de latin vulgaire (parlé à Rome) pour intégrer des influences étrangères, telles que le germanique, le celtique et bien d’autres. Les caractéristiques de l’ancien français affichaient une phonétique bien différente du français actuel et un système de déclinaisons (identiques au latin) qui concernaient les noms, les adjectifs et les pronoms.

 

Retrouvez bientôt notre troisième volet de la saga de la presse avec l’invention de l’imprimerie par Gutenberg (1398-1468) en 1454 qui changea tout…



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