Découvrez aujourd’hui le premier volet de notre histoire de la presse écrite. En qualité de blog d’un cabinet de relations presse, nous nous devions de consacrer plusieurs articles à cette incroyable saga de la presse dont les origines remontent à l’antiquité.
Le premier quotidien date de l'empire romain.
Aujourd’hui, premier article sur ce qui peut être considéré comme le premier quotidien, les Acta Diurna Populi Romani, ou Faits du Jour du Peuple Romain, apparurent au temps de l’empire romain, en 131 avant J.C, d’abord par courrier, puis par affichage dont les textes furent ensuite copiés ou résumés pour tout l’Empire.
C’est quoi les Acta Diurna ?
Rome, devenue capitale de l’empire le plus puissant du monde, vit à toute vitesse et grouille d’informations de toutes sortes. Que ce soit pour relater la prise d’un nouveau territoire, une guerre qui vient d’éclater ou au contraire, un pacte de paix entre chefs de faction ou plus simplement, le discours enflammé d’un sénateur, les citoyens doivent… et veulent être informés.
Même les populations vivant dans les campagnes voulaient recevoir les informations et pour les satisfaire, le gouvernement n’hésitait pas à relayer ces nouvelles par des lettres qui étaient distribuées rapidement, vu l’importance du réseau des voies romaines, dont certains vestiges existent encore aujourd’hui un peu partout. Pour les nouvelles d’importance, les récipiendaires de ces lettres n’hésitent pas à les faire passer à leur entourage, ce que nous appellerions aujourd’hui partager en termes de réseaux sociaux.
Jules César va aller encore plus loin, aux environs de 59 avant J.C, quand il décide de rendre publiques les délibérations du Sénat dont les détails seront publiés dans les Acta Diurna.
Suétone (Caïus Suetonius Tranquillus, né à Rome sous l’empereur Vespasien vers 70 après J.C), avocat et secrétaire à la correspondance de l’empereur Hadrien, nous parle des Acta Diurna dans son ouvrage « Les Vies des Douze Césars », paru en 121 après J.C : « En prenant possession de sa dignité, César établit, le premier, que l’on tiendrait un journal de tous les actes du sénat et du peuple, et que ce journal serait rendu public ».
En fait, les Acta Diurna furent rédigés sur le modèle des diverses compilations quotidiennes écrites d’accords juridiques et d’édits. Contrôlés par un magistrat, les Acta Diurna étaient rédigés par des professionnels de la rédaction, les diurnarii, qui relataient toutes sortes d’évènements qui prenaient place chaque jour dans la ville de Rome. Les diurnarii peuvent conséquemment être considérés comme les premiers journalistes, déjà placés sous l’autorité d’un magistrat, équivalent de rédacteur en chef.
Ou étaient publiés les Acta Diurna ?
Le Forum Magnum, à Rome, situé entre les collines du Capitole et du Mont-Palatin, constituait la place principale autour de laquelle toute la ville s’articulait. Elle était le lieu privilégié pour l’organisation de mariages, de jeux et de combats de gladiateurs, de cérémonies et de fêtes religieuses, de défilés militaires et de proclamations politiques. Bien évidemment, cette place devenait le lieu idéal pour afficher, chaque jour, les Acta Diurna, ceci dans plusieurs endroits du Forum.
Les Acta Diurna étaient retirés et archivés au bout de quelques jours.
Comment étaient lus et rayonnés les Acta Diurna ?
D’abord, rappelons-nous que la majorité des habitants de Rome, à cette époque, étaient analphabètes et incapables de pouvoir lire les textes des Acta Diurna. Par conséquent, un praeco, crieur public ou héraut d’origine servile, avait été recruté pour lire à haute voix les nouvelles et permettre à tout un chacun de s’informer. Le praeco ne s’en tenait pas au Forum, mais criait les nouvelles à travers les rues de la capitale, notamment lorsqu’il s’agissait de nouvelles lois ou de décrets. De plus, des soldats étaient chargés de surveiller les Acta Diurna.
La diffusion des Acta Diurna ne se limitait pas à Rome, mais était rayonnée à travers tout l’empire, grâce à de très nombreuses copies, souvent réalisées sur des papyrus. Les copistes, d’origine servile grecque ou citoyens libres, effectuaient ce travail, sous la responsabilité de librarii ou éditeurs, qui vendaient les Acta Diurna qu’ils distribuaient en chapitres.
Il convient de noter que les Acta Diurna pouvaient également être résumées et non copiées dans leur intégralité. Ces résumés étaient rédigés par les nuntii, ou messagers, correspondants établis à Rome. Nous avons encore une trace de ces résumés par la plume de Caelius qui écrit à son ami Cicéron : « Vous trouverez l’opinion de chaque orateur dans l’extrait des nouvelles de Rome. Prenez-en ce qui vous intéresse et passez une foule d’articles, tels que les acteurs sifflés, les cérémonies funèbres, d’autres frivolités. Je crois cependant que les choses utiles l’emportent. Et puis, j’aime mieux vous envoyer tout, même des détails dont vous n’avez pas besoin, que d’en supprimer des nécessaires. »
A quoi ressemblaient les Acta Diurna ?
D’après ce que l’on sait, ils étaient gravés sur des planches, soit en bois recouvertes de cire, soit blanchies à la chaux. A noter qu’aucun de ces Acta Diurna n’a survécu jusqu’à nos jours.
Les Acta Diurna, populaires, instruments de propagande, avec des rubriques People
La lettre de Cicéron (Marcus Tellius Cicero, né en 106 avant J.C et décédé en 43 avant J.C, fut avocat, homme d’état, philosophe et écrivain), écrite en 45 avant J.C, soit deux ans avant sa mort, prouve bien l’importance et la place privilégiée dans l’information, conquises par les Acta Diurna à cette époque. En effet, il écrivait : « Je suis sûr qu’on vous envoie les actes de la ville, ce qui me dispense de vous écrire des nouvelles ».
D’autres témoignages sur les Acta Diurna nous sont livrés par Suétone, Pline le Jeune (61-114, écrivain et homme politique dont la correspondance avec l’empereur Trajan nous est conservée) ou Tacite (Publius Cornelius Tacitus, né en 58 et mort vers 120 après J.C, historien, philosophe et sénateur romain).
Les Acta Diurna, au cours du temps, devinrent également des outils de propagande et notamment celle de la terreur lorsque, par exemple, l’empereur Commode (161-192 après J.C, fils de Marc Aurèle et dernier empereur de la dynastie des Antonins) prenait plaisir à faire raconter par les Acta Diurna toutes ses cruautés et ses infamies.
Pour finir sur une note plus gaie, nous pouvons aussi dire que les Acta Diurna furent les premiers tabloïdes : en effet, une rubrique est dédiée aux mariages, aux naissances, aux décès et aux divorces des notables de la ville. Comme de nos jours, les personnages en vue désirent absolument que leurs évènements personnels soient affichés dans les Acta Diurna.
Juvénal, (Décimus Lumius Iuvenalis, poète satirique, auteur des Satires, écrite entre 90 et 127 après J.C), dans l’une de ses satires, fait dire à une épouse à son mari, à propos de leur fils nouveau-né : « Tu es heureux de semer dans les Acta Diurna les preuves de ta capacité virile ».
Un exemple du style des Acta Diurna
Un exemple laissé par Pétrone (écrivain et favori de l’empereur Néron), dans son Satyricon (considéré comme l’un des premiers romans de l’histoire de la littérature) nous donne une idée précise du style littéraire de ces Acta Diurna. Un personnage lit, sur le ton avec lequel il eût pu annoncer des actes officiels, différentes nouvelles, un peu « fourre-tout », appréciées des convives : « Le VII des calendes de juillet sont nés dans le domaine de Cumes, appartenant à Trimalcion, 30 garçons et 40 filles. On a transféré de l’aire dans les greniers 100 000 boisseaux de froment et mis sous le joug 500 bœufs. Le même jour, l’esclave Mithridate a été mis en croix pour avoir blasphémé le génie tutélaire de Caius notre maître. Le même jour, on a mis en caisse 10 millions de sesterces dont on n’a pu trouver le remploi. Le même jour s’est propagé dans les jardins de Pompée un incendie… ».
Retrouvez-nous bientôt sur notre blog pour la suite de la saga de la presse…
Comentarios